Résumé
Ce n'est ni en défaisant l'état social ni en s'efforçant de le restaurer comme un monument historique que l'on trouvera une issue à la crise sociale et écologique. C'est en repensant son architecture à la lumière du monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. Et, aujourd'hui comme hier, la clé de voûte sera le statut accordé au travail.
Face à la faillite morale, sociale, écologique et financière du néolibéralisme, l'horizon du travail au XXIe siècle est celui de son émancipation du règne exclusif de la marchandise. Comme le montre le cas du travail de recherche, les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'un monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un régime de travail réellement humain, qui fasse place au sens et au contenu du travail - c'est à dire l'accomplissement d'une œuvre.
Titulaire de la chaire Etat social et mondialisation : analyse juridique des solidarités (2012 - 2019), Alain Supiot est professeur émérite au Collège de France et membre correspondant de la British Academy.
Mon avis
Alain Supiot est un juriste reconnu, spécialiste du droit social et de la théorie du droit. L’ouvrage que je vous présente ici, est la transcription de la leçon de clôture du 22 mai 2019, qu’il a prononcé au Collège de France.
Dans sa leçon, Alain Supiot pointe l’urgence du changement de différents aspects de notre mode de production, notamment l’aspect du travail salarié, afin de parer aux différentes crises qui nous menacent : crise écologique, révolution numérique et crise du droit qui en découle.
Alain Supiot entame son discours en mettant en avant les deux points qui se dégagent de ses travaux. Premièrement, la révolution numérique a des impacts sur le monde au moins équivalent à la révolution industrielle du XIXe siècle. Nous assistons à une refonte des institutions de production. Deuxièmement, la crise écologique inédite, à laquelle nous faisons face. Ces deux points engendrant une crise du droit, mis en difficulté par « l’imaginaire de la techno-science-économie ». Le droit est remis en question par les normes techniques que génèrent les calculs d’utilité et la gouvernance par les nombres.
Ces crises, principalement la crise écologique, appellent à repenser l’Etat Social et les rapports au travail dans le sens « d’une liberté dans le travail, et pas seulement du travail ». À plusieurs reprises, l’auteur démonte « les prophéties millénaristes du néolibéralisme » que sont la fin du travail et la fin de l’histoire. Il appelle à dépasser ces débats stériles entre destruction et restauration de l’Etat Social, pour repenser une nouvelle architecture de celui-ci, dont la « clé de voûte sera le statut accordé au travail ».
Une fois ces thèses exposées, Alain Supiot précise son idée en insistant sur le fait que le Capitalisme s’est appuyé sur différents montages juridiques pour développer une marchandisation de tout ce qui peut revêtir une valeur financière, y compris le travail lui-même. Cette notion repose sur la fiction juridique du Capital Humain, notion qui fût pour ainsi dire inventée par Staline.
À l’encontre de l’instrumentalisation financière du travail, Alain Supiot estime que les salariés sont en quête de sens dans leur travail, d’une utilité concrète.
Dans cette leçon de clôture, Alain Supiot interpelle sur la situation critique qui est la nôtre, par le développement sans contrôle de l’imaginaire cybernétique, de la gouvernance par les chiffres et du Marché Total. Ces phénomènes sont d’après lui, les principaux responsables de la crise écologique, sociale et politique. Dans ce petit ouvrage, l’auteur nous présente des solutions qui n’ont rien de révolutionnaires et par conséquent qui peuvent être entendues par les minorités détentrices du pouvoir économique et politique. Cela passera par la restitution des libertés et responsabilités aux travailleurs, pour redonner du sens et de l’éthique au monde du travail.
Comments